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Elsa et Pascal, un été sur l'Aigoual

Pour la troisième année consécutive, des saisonniers ont été embauchés par le Parc sur les lieux les plus fréquentés du territoire.

Leur mission ? Informer les visiteurs sur les pratiques pastorales, le partage de l'espace, les comportements à adopter face aux chiens de troupeaux et les sensibiliser aux richesses du territoire et à la réglementation qui permet de les protéger.

Nous avons suivi Elsa et Pascal, le duo positionné sur l'Aigoual, en marge de leur rencontre avec Raphaël, berger transhumant au sommet pour faire un bilan de la saison.

 

Elsa Pascal
Il s'agit de la seconde saison sur l'Aigoual d'Elsa qui avait déjà réalisé cette mission en 2022 © Adrien Majourel - Parc national des Cévennes

 

Elsa : "nous sommes des passeurs de messages"

Elsa habite près du Vigan où elle élève 30 brebis laitières. Enthousiasmée par sa mission de saisonnière pour le Parc en 2022, elle a choisi de renouveler l'expérience en 2023 avec la même motivation.

"C'est super intéressant d'être un lien entre plusieurs usagers du Parc. Cela permet de bien comprendre les enjeux et de faire en sorte qu'ils soient partagés notamment entre les bergers, le public, les forestiers et les gardes moniteurs du Parc. Je nous vois comme des passeurs de messages et ce travail de dialogue est essentiel pour que tout le monde cohabite et se respecte."

 

Elsa Pascal
Pascal, Elsa et Raphaël au somment de l'Aigoual réunis fin août pour faire un bilan de la saison en estive © Adrien Majourel - Parc national des Cévennes

 

Elsa et Pascal ont arpenté pendant 3 mois le massif de l'Aigoual pour informer les visiteurs sur l'agro-pastoralisme et l'importance de respecter le travail des bergers. Sur le terrain en permanence, ils devaient également sensibiliser à la réglementation du coeur de Parc et faire remonter d'éventuels problèmes ou défis rencontrés sur le massif.

"Au delà de notre mission centrée sur l'échange avec les bergers et la prévention avec les visiteurs, c'est un vrai bonheur d'être à l'extérieur et d'avoir la chance de voir évoluer la végétation et la faune. Par exemple, au lac des Pises, nous avions vu les hirondelles et les balbuzards pêcheurs arriver.  Ils s'apprêtent maintenant à repartir."

 

Elsa
Le lac des Pises est un lieu de passage important pour de nombreux oiseaux migrateurs © Adrien Majourel - Parc national des Cévennes

 

Pascal : "chaque jour est une surprise"

Pascal est quant à lui en reconversion après une carrière dans l'audiovisuel. Il aimerait se diriger vers l'artisanat du bois ou la protection de l'environnement. De cette première saison avec le Parc, il retient également le contact avec les bergers et les échanges avec les visiteurs qui étaient dans leur immense majorité curieux et ravis d'apprendre des choses sur le patrimoine culturel et naturel du territoire.

"Je suis convaincu qu'une fois que l'on réalise à quel point ce territoire est riche et fragile, on prend conscience de l'importance de le protéger. Ici, au lac des Pises, il est possible de voir des loutres par exemple. Côté flore, on peut observer la spectaculaire Tulipe australe, des droseras carnivores ou encore de nombreuses espèces de sphaignes. Lorsque nous les montrons aux visiteurs, ils comprennent plus facilement pourquoi le bivouac ou la baignade sont interdits sur ce site."

 

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Le lac des Pises couvre treize hectares et accueille une biodiversité exceptionnelle. Il est aussi un haut-lieu de l'agro-pastoralisme © Adrien Majourel - Parc national des Cévennes

 

Comme Elsa, Pascal a apprécié ces 3 mois passés sur le terrain au contact de la nature et des éléments.

"Quelle chance de passer fréquemment aux mêmes endroits ! Cela permet de voir les évolutions et chaque jour est une surprise.

Récemment, on a par exemple vu des gentianes des marais sortir près du barrage. C'est une fleur magnifique. Des cadeaux comme celui-ci on en a eu plein tout l'été ! Lorsque le sorbier des oiseleurs a commencé à faire des fruits on a vu de nouveaux oiseaux arriver comme le Bouvreuil pivoine."

 

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Dans le Parc, le Bouvreuil pivoine semble absent sur les causses, les pelouses d’altitude et les vallées Cévenoles. Il est plutôt observé dans les boisements de résineux et forêts de feuillus du mont-Lozère, sur l’Aigoual et dans les gorges du Tarn.© Philippe Lucas - Parc national des Cévennes

 

"Notre principal défi : les chiens non tenus en laisse."

"Notre principal défi ? Les gens qui ne réalisent pas qu'il est déjà exceptionnel de pouvoir se rendre dans un coeur de Parc avec un chien et qui ne comprennent pas qu'il est impératif de le tenir en laisse" explique Pascal.

Elsa acquiesce : ""Il y a toujours une bonne excuse pour laisser son chien sans laisse : il est très gentil, il reste au pied, il est vieux ou peureux... mais tous les chiens ont un instinct et il est impossible de savoir comment ils vont réagir s'ils flairent un animal sauvage à proximité ou croisent un troupeau protégé par des patous. Cet été, sur le mont Lozère, un husky non tenu en laisse a tué une brebis."

 

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Un des chiens de conduite devant le troupeau de Raphaël sur la voie de découverte du mont Aigoual © Adrien Majourel - Parc national des Cévennes

 

Un travail d'anticipation essentiel

L'autre mission qui a beaucoup occupé Elsa et Pascal : la prévention du bivouac sur les lieux interdits. Ici au lac des Pises, la pression est importante entre le 15 juillet et le 15 août et la sensibilisation est essentielle pour faire comprendre aux randonneurs qu'il est de la responsabilité de tous d'avoir des comportements respectueux et à la hauteur de la magie des lieux.

"Nous ne sommes pas assermentés pour pouvoir dresser des procès verbaux mais le travail d'anticipation que nous menons est essentiel. Nous allons voir les personnes en itinérance pour leur demander où elles comptent passer la nuit et nous les redirigeons vers des endroits autorisés. Cette démarche est très efficace et appréciée par les randonneurs." explique Pascal.

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Des restes d'un foyer de feu de camp au bord du lac. Feux et bivouac y sont pourtant strictement interdits. © Adrien Majourel - Parc national des Cévennes

 

"L'immense majorité du temps, les gens sont très curieux et ravis d'apprendre des choses sur la faune, la flore, l'agro-pastoralisme et l'histoire des lieux. Avec une rare minorité, c'est plus difficile. Ils ont une approche "parc d'attraction" et appréhendent les choses comme des consommateurs à qui l'on doit un service. Ils ont du mal à comprendre que tous ces équilibres sont fragiles." ajoute Elsa.

 

"Une belle observation nocturne réside dans la quiétude qui l'accompagne"

Le Parc national des Cévennes a obtenu le prestigieux label de Réserve internationale de ciel étoilé en 2018 et de plus en plus de personnes viennent observer les étoiles, en particulier autour du lac des Pises et au sommet de l'Aigoual où l'affluence a été très importante début août, autour des "nuits des étoiles". A tel point qu'au sommet, Raphaël, le berger transhumant présent sur les lieux, a eu beaucoup de difficultés pour rentrer son troupeau.

Pascal revient sur cette période : "il y avait beaucoup de monde toute la nuit autour du lac. C'est dommage car tout le plaisir d'une belle observation nocturne réside dans le silence qui l'accompagne. Le Parc est assez vaste pour faire de magnifiques observations en toute quiétude qui plus est sur des sites où le bivouac est autorisé."

 

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Mer de nuages autour du col de l'Asclier © Gaël Karczewski - Parc national des Cévennes

 

En kayak sur le lac....

Cet été qu'ils décrivent tous deux comme "passionnant" a été ponctué d'anecdotes comme cette fois où ils ont aperçu quelqu'un en train de faire du kayak gonflable sur le lac alors que même la baignade y est interdite. "Lorsque nous sommes allés le voir, il a très bien compris et a dégonflé immédiatement son kayak."

Un autre jour, alors que la journée était l'une des plus chaudes de l'été et qu'il était très tentant d'aller se rafraichir dans le lac, un couple s'est approché d'Elsa et Pascal pour leur dire qu'ils trouvaient ça "génial que la baignade soit interdite car sinon ce serait Paris plage."

"C'est motivant de voir que la plupart des gens comprennent à quel point ce territoire est exceptionnel et qu'il est de la responsabilité de tous de le protéger."

 

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Elsa et Pascal étaient mobilisés sur tout le massif de l'Aigoual : sommet, Vallée du bonheur, Val d'Aigoual, Camprieu... © Adrien Majourel - Parc national des Cévennes

 

Pour aller plus loin :