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Carnet de route d’une saisonnière sur le mont Aigoual

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Morane et Jonathan informent des visiteurs au lac des Pises © Mélouna Tifra, Parc national des Cévennes
Morgane est une naturaliste passionnée par la faune sauvage ainsi que par les milieux naturels et agricoles du territoire cévenol. Elle parcours la Lozère, le Gard, l'Hérault et l'Aveyron depuis plusieurs années afin d'améliorer la connaissance sur les espèces et de participer à leur conservation. Recrutée par le Parc national des Cévennes comme saisonnière aux côtés de Jonathan, elle nous livre ses impressions sur un été « intense et magique » sur le mont Aigoual.

A travers ce témoignage je souhaite vous faire partager quelques-unes de nos expériences et notre vécu sur le Mont Aigoual, en plein cœur du Parc National des Cévennes, durant deux mois qui furent intenses et magiques.

Même si ce fût un été très particulier, avec des précipitations régulières ainsi que des températures et des conditions météorologiques surprenantes, nous en retenons tous deux un excellent souvenir !

Le parc nous avait donné deux missions : sensibiliser les visiteurs au patrimoine naturel, paysager et culturel du massif et les informer sur les missions du Parc National des Cévennes et sur sa réglementation.

Tout au long de l’été, nous avons donc abordé les visiteurs sur les sentiers afin de les renseigner sur les circuits, les lieux à visiter mais aussi pour favoriser la cohabitation entre activités pastorales et touristiques, notamment sur les bons comportements à adopter face aux chiens de protection des troupeaux.

 

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Les saisonniers déployés dans le Parc autour de la Directrice, Anne Legile. Gauche à droite / haut en bas : Jonathan, Marion, Florian, Valéry, Morgane et Laurane © Olivier Prohin, Parc national des Cévennes

 

 

- Juin -

Météo variable, formations et prises des marques

 

Notre contrat a débuté par une période de formation très riche et intense, sur l'établissement et ses missions, les attentes et objectifs de notre poste, les comportements à adopter face aux chiens de protection des troupeaux. À la suite de quoi chaque binôme est parti sur son massif.

Pour mon collègue et moi, l'Aigoual ! 

 

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Jonathan et Géraldine, garde monitrice, nous formant sur les spécificités botaniques de son secteur © Morgane Savineau, 2021

 

Nous avons été présentés à l'ensemble de l'équipe y travaillant et avons découvert les spécificités du terrain en accompagnant chaque garde sur son secteur mais aussi la technicienne forêt et le chargé de mission agropastoral. Ce fût une occasion exceptionnelle pour nous de découvrir ou plutôt re-découvrir le territoire et les missions des agents. 

Après avoir eu toutes les informations nécessaires à apporter au public, nous sommes allés à la rencontre des acteurs du territoire, du météosite, de l'office du tourisme, de la station de ski, de la maison des producteurs locaux, mais aussi des bergers que l'on a le plus côtoyé et dont les troupeaux sont exposés à la fréquentation touristique.

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Adrien Lechalier menant son troupeau, un moment impressionnant où l'on perçoit la connaissance que cela demande à la fois du troupeau, du terrain et le dressage des chiens de conduite. © Morgane Savineau, 2021

 

Ne restait plus qu’une dernière étape cruciale : l'exploration des sentiers afin de pouvoir orienter les gens par la suite. Il y a pire comme début de mission !

Juin en une journée...

[ Fin d’une journée de juin, météo douce et ensoleillée, fréquentation assez basse, site du Lac des Pises ]

Après une longue journée passée à tourner autour du lac et avoir fait quelques rappels de la réglementation concernant les chiens non tenus en laisse et leur impact sur les oiseaux nicheurs au sol, je hâtais le pas pour rejoindre mon collègue Jonathan qui avait pris de l’avance.

 

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Traquet motteux femelle (Oenanthe oenanthe), un seul couple est nicheur au lac des Pises, nous avons suivi la nidification mais, cette année encore, elle semble avoir échouée, probablement dû au dérangement (chien, camping/bivouac et feux) au pied des blocs rocheux où ils s'étaient établis © Morgane Savineau, 2021

 

En arrivant à proximité du parking, j’entendais des chiens aboyer et vit Jonathan discuter avec deux hommes en camions aménagés accompagnés de trois chiens chacun ! L’échange s’était très bien passé et était terminé mais Jonathan m’expliqua qu’ils souhaitaient dormir sur place plusieurs jours, dans les camions, faire un petit barbecue, pêcher sans permis… et balader les chiens.

Heureusement il réussit à leur expliquer la fragilité du site mais aussi les risques encourus par rapport à la réglementation. Il leur a proposé l’alternative du lac de Camprieu, plus aménagé et fréquenté, hors zone du parc national, comme site répondant à leurs rêves de camping… Je me suis dit « Bien joué ! ».

Le lendemain, la persuasion avait fonctionné car nous les avons revus à la Serreyrède et ils avaient passé une excellente nuit à Camprieu !      

Juin en une photo...

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© Morgane Savineau, 2021

 

Vue depuis la tombe d’André Chamson sur le sommet de l’Aigoual et ses vallées sud, le brouillard affleurant les crêtes et envahissant les vallées nous plongeant dans une brume humide, froide et silencieuse, comme hors du temps…

 

- Juillet -

De belles rencontres malgré la météo fluctuante, parfois belle, parfois humide et accompagnée de vent froid, Trépalou

 

Ce début de saison est assez particulier, très humide et froid, il faut beaucoup de motivation pour rester la journée entière dehors. Nous avons tout de même le plaisir d'observer les rapaces qui profitent des vents forts et des éclaircies pour chasser et divertir les visiteurs à la station météo ou au Trépalou.

Circaète, Crécerelles, Eperviers, Bondrées et Vautours fauves impressionnent et passionnent ! J'ai pu profiter de leur présence pour aborder le public et présenter les missions du parc national. 

 

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Circaète Jean-le-blanc (Circaetus gallicus), nicheur dans les forêts du Parc national et chasseur de reptiles en milieux ouverts © Morgane Savineau, 2021

 

J'ai vraiment apprécié le Trépalou, c'est un endroit magnifique. Tous les échanges que j'ai pu y faire avec les visiteurs m'ont ravie, on y croise des randonneurs, des trailers des 4000 marches mais aussi des marcheurs plus doux, venus de l'observatoire météo.

J'y ai fait la connaissance de beaucoup de visiteurs sympathiques et intéressés qui m'ont accompagné sur le panorama sud et à qui j'aimerais beaucoup dire merci encore une fois !

Juillet en une journée...

[ 14 juillet, ciel couvert, très venteux (rafales à 90km/h) et brumeux, la fréquentation augmente progressivement depuis les vacances scolaires, au sommet et au lac des Pises ]

En ce 14 juillet, nous attendons beaucoup de monde mais la météo n’est pas clémente... Le mont Aigoual est très calme et gris, parfois même dans un épais brouillard que seul le vent peut chasser ou bien amener. Les bergers nous ont expliqué qu’avec cette humidité ambiante le moral fluctue et les conditions de garde sont difficiles car l'herbe est mouillée et les brebis n'aiment pas cela...

Nous avons croisé quelques courageuses et courageux en itinérance, avec des sursacs et des panchos étanches, déterminés à résister aux vents forts qui n’offrent aucun repos la nuit ! 

En fin de journée, au lac des Pises, huit jeunes hommes sont venus se défouler et faire du tir à l'arc sans connaissance de la pratique... Comme je fais du tir instinctif à l’arc traditionnel, je pensais pouvoir en discuter avec eux et les raisonner. Je les ai donc interpellés quand ils étaient plus calmes en leur rappelant qu’un arc n’était pas un jouet et que c'était dangereux. Ils n’avaient aucune connaissance de la pratique ni même de la réglementation. Cela m'a permis de comprendre pourquoi ils avaient décidé de venir faire ce genre de chose en plein coeur de parc national, avec le risque de blesser une personne, un animal ou d'abîmer un arbre… Les archers ont à leur disposition des parcours de tir sur cibles 3D dans des propriétés privées où je leur ai proposé d’aller, notamment à Anduze, pas si loin !

Nous découvrons encore de nouveaux foyers de feu… les gens les ont probablement fait pour se réchauffer mais de manière totalement inconsciente !

 

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Les feux sont interdits partout en coeur du Parc national

 

Juillet en une photo...

 

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Trepalou © Morgane Savineau, 2021

 

Vue depuis le Trépalou sur le sud des Cévennes, de la vallée de Valleraugue, jusqu’à la mer, un point de vue tranquille et splendide !

C'était également le lieu de vie du papillon montagnard protégé, “l’Apollon” (Parnassius Apollo), dont l’aire de répartition diminue d'une part à cause du réchauffement climatique qui induit une diminution de la couche de neige hivernale nécessaire à la survie des jeunes chenilles, et d’autre part avec la fermeture des milieux et la déprise pastorale, d’où les travaux du Parc national sur ce site.

 

- Août -

Sur la route des Lézards et de la biodiversité du lac des Pises

 

Outre les visiteurs humains venus se rafraîchir, nous avons fait de magnifiques rencontres animales autour du lac. 

Au sud du barrage, lorsque le passage des promeneurs se fait plus rare, entre les rochers et le sable formé par le granite érodé, beaucoup de lézards des murailles prennent le soleil, chassent les orthoptères et se disputent. Plus rarement on peut observer des lézards à deux raies… plus discrets et furtifs.

 

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Lézard des murailles mâle (Podarcis muralis) © Morgane Savineau, 2021

 

 

De passage à l’observatoire des étoiles, le gestionnaire, Jean-Marie Lopez nous a présenté un couple de belettes venu s'installer entre les pierres non jointées de la bâtisse. C’est pour notre plus grand plaisir et étonnement que nous avons pu la voir en chasse de campagnols, sautant, courant à toute allure sous les herbes ! 

 

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Le plus petit des carnivores, la Belette (Mustela nivalis) en chasse, ramenant un campagnol au terrier © Morgane Savineau, 2021

 

Ensemble nous avons aussi pu observer le balbuzard pêcheur, seul pêcheur de la saison qui a d’ailleurs réussi à faire une belle prise mais avec beaucoup d’efforts, et peu sélectif, un chevesne lui a suffit !

Une multitude de pollinisateurs nous ont aussi ravi par leur présence sur les fleurs des alentours du lac, abeilles sauvages, papillons et coléoptères se régalaient de pollen et de nectar... Nous avons aussi croisé de très belles libellules et demoiselles (zygoptères) ainsi que des passionnés venus les identifier par la photographie.

 

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Caloptéryx vierge mâle (Calopteryx virgo) © Morgane Savineau, 2021

 

Août en une journée...

[ Une journée d’août, météo ensoleillée et très chaude, fréquentation moyenne, site du Lac des Pises ]

Sous un soleil harassant nous arpentons les berges du lac une dernière fois avant la fin de notre mission.

Le troupeau pâture tranquillement alors que nous tournons autour du lac afin d’informer les visiteurs sur le comportement à adopter pour continuer leur balade sans déranger les animaux, ni les deux bergers d’Anatolie.

 

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Belle et Lisa, les bergers d'Anatolie ou Kengal, veillant sur leur "meute" de brebis, on dit souvent que le chien de protection s'identifie aux moutons mais ce n'est pas tout à fait vrai, il les considère comme faisant partie de sa famille, sa meute. © Morgane Savineau, 2021

 

A notre prise de poste, nous avions beaucoup d’inquiétude concernant les chiens non tenus en laisse car nous avions remarqué que, malgré la réglementation, et nos explications concernant le dérangement de la faune, beaucoup de gens ne se sentaient pas concernés.

Aujourd’hui alors que le troupeau est présent, les détenteurs de chiens font moins les fiers face aux deux imposantes bergers d’Anatolie, Belle et Lisa. Beaucoup plus réceptifs à nos indications, ils attachent leur compagnon canin et continuent la balade sereinement, sachant quoi faire si elles décident de les approcher.

Quand la fréquentation a diminué nous avons passé un moment avec le berger et une famille nous a rejoint pour échanger avec nous. C’était un excellent moment de partage, surtout avec les enfants qui étaient très curieux !

Août en une photo...

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© JF Sallard, 2021

 

Fin de journée au lac des Pises, le troupeau pâture tranquillement alors que la fréquentation au lac diminue, un moment privilégié pour profiter de la nature entre passionnés.

Pour aller plus loin :

 

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Arnica, sur la liste rouge de la flore vasculaire de France métropolitaine et interdite à la cueillette sur l'Aigoual. Ici avec son petit joyau, le Cryptocephalus sericeus © Morgane Savineau, 2021