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Quand le château de Florac était... une prison

Alain Laurans, ancien archiviste départemental et membre de la commission patrimoine culturel du Parc national des Cévennes est revenu pour le site criminocorpus sur une période intéressante du château de Florac... celle où il était une prison d'Etat, entre 1810 et 1927.

L'occasion de compléter l'article que nous avions consacré à l'histoire de cet édifice : "Il était une fois... le château de Florac"

 

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Le château de Florac est actuellement le siège du Parc national des Cévennes © Olivier Prohin - Parc national des Cévennes

 

Les documents manquent pour avoir une connaissance précise des lieux d’internement des prisonniers avant 1810 date à laquelle les locaux de la prison sont situés dans l’ancien château dont le propriétaire est encore le comte Grimoard du Roure, ancien seigneur du lieu, demeurant à Paris. Il semblerait cependant que les salles basses, dénommées cachots, servaient sous l’Ancien Régime de grenier à sel et pouvaient aussi être utilisées pour l’incarcération provisoire des délinquants de la justice seigneuriale. Les portes et les fenêtres étaient mal assurées et nul mobilier, même sommaire, ne garnissait les cellules. L’administration révolutionnaire aménage ces locaux plus souvent occupés car en application du Code pénal la prison est devenue une peine et non plus une mesure d’incarcération provisoire. Cependant, quelques procédures de l’époque révolutionnaire mentionnent des prisonniers incarcérés dans un appartement de Florac dont le plancher est en mauvais état. Il y eut une dizaine d’évasions entre l’an IV et l’an VIII. En 1813, lors d’une de ses tournées, le préfet Gamot constate que l’édifice dont l’État est locataire demeure d’une grande vétusté. Seuls trois prisonniers y étaient enfermés.

 

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Les barreaux encore présents aux fenêtres sont les témoins du passé de prison du château © Alain Laurans

 

Le château qui accueille peu à peu les prisonniers a une longue histoire. Au Moyen Âge Florac était le siège d’une des huit baronnies qui formaient le Comté du Gévaudan, dépendant jusqu’au XIIe des comtes de Toulouse. Raymond d’Anduze est le baron de Florac. La croisade des Albigeois se termine par le rattachement du Languedoc à la couronne de France. À la famille d’Anduze qui conserve ses possessions jusqu’au XIVe siècle, succèdent les Grimoard comtes du Roure (descendants de la famille du pape Urbain V). Au XVIe siècle, la ville de Florac devient protestante. Le château détruit à cette époque troublée est reconstruit en 1652. Le comte du Roure qui ne l’occupe plus au XVIIIe siècle le vend officiellement à l’État en 1824. Après la suppression de la prison en 1927, il est inoccupé pendant deux ans, puis loué à Charles de Pomaret député de l’arrondissement qui y fait entreprendre de grands travaux. Après avoir été propriété de la Caisse d’Epargne en 1940 il est laissé à l’abandon avant d’être acquis par le Parc national des Cévennes en 1970 dont il est actuellement le siège administratif.

Utilisé comme prison d’État de 1810 à 1927 (maison d’arrêt et de correction), l’immense édifice doit faire régulièrement l’objet de travaux d’entretien ou d’aménagement. Les conditions sanitaires sont souvent précaires. En 1817, une femme de Florac, Suzanne Guiraud soigne avec un tel dévouement les malades du château atteints du typhus, contaminés par un prisonnier venu de Millau qu’elle se voit décerner le prix de vertu par l’Académie française. En 1831, le délabrement de l’édifice est tel que la sûreté et la santé des détenus sont encore compromises.

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Vue d'ensemble de Florac au début du 20ème siècle © Archives dép. de la Lozère, réf. 2Fi art 9.

 

En 1879, le Conseil général décide l’application de la loi du 5 juin 1875 sur le fonctionnement des prisons départementales. Dans sa séance du 24 avril 1879, il crée une commission spéciale composée de trois membres dont Théophile Roussel qui sera chargée de présenter un rapport sur les prisons. Cet éminent homme politique et parlementaire lozérien (1816-1903) a participé à la création en 1877 de la « Société générale des prisons » en vue d’améliorer le régime pénitentiaire des jeunes détenus. La commission spéciale constate qu’il n’est pas possible d’envisager dans la prison de Florac la création d’un atelier pour occuper les prisonniers. Ils sont peu nombreux, tous cultivateurs et peu passionnés par une activité artisanale.

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Gravure de Théophile Roussel, médecin, parlementaire et grand philantrope © Archives départementales de la Lozère

 

En 1921, le rapport de l’inspection générale mentionne 25 détenus (15 hommes et 10 femmes), deux personnes chargées de la surveillance (un surveillant chef et son épouse, surveillante), une infirmerie, deux aumôniers (catholique et protestant), ce dernier supprimé en 1920. L’établissement dispose d’une bibliothèque de 92 ouvrages. Aucun travail n’est organisé pour les détenus.

 

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