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Parées pour affronter le froid

 

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Trèfle des Alpes © R. Flogaus-Faust

 

Les pelouses sommitales de l’Aigoual et du mont Lozère arborent une végétation particulièrement dense et rase. La sévérité des conditions écologiques de ces sommets a cependant permis à une flore originale de se développer et de persister durant des millénaires. Parmi elles, des espèces à affinité alpine (haute altitude) ou boréale (climat nordique) sont présentes.

 


Pour résister au froid, il faut parfois se faire petit. C’est le cas du Trèfle des Alpes (Trifolium alpinum), plante rampante que l’on retrouve sur les pelouses des sommets sur silice. Cette espèce, relique des glaciations, possède des racines très puissantes pouvant atteindre plus de 1 mètre.
Par ailleurs, elle ne montre qu’une très courte tige aérienne et ses feuilles partent directement de la souche. Sa floraison est particulièrement colorée et odorante. Ces caractéristiques sont une réponse aux contraintes liées à l’étage alpin. Son port prostré lui permet de résister aux vents violents et de supporter une couverture neigeuse sur un temps long. Celle-ci lui sert également d’isolant thermique. Sans ce manteau blanc, le Trèfle alpin serait concurrencée par d’autres espèces au port érigé.

 

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Anémone Pulsatille © JP. Malafosse - PNC


Revêtir un manteau

Pour les plantes qui osent s’aventurer hors du sol et laisser leurs tiges grandir, on remarque que certaines espèces sont entièrement recouvertes de duvet. C’est le cas de la Pulsatille ou Anémone de printemps (Pulsatilla vernalis), qui est présente à partir de 1300 m d’altitude uniquement sur les pelouses et landes du mont Lozère et qui peut fleurir en avril parfois encore au contact de la couche neigeuse. Cette plante herbacée vivace se protège des gelées matinales grâce à de longs poils soyeux qui recouvrent entièrement sa tige et l’extérieur de ses pétales. La fleur se referme chaque soir. Par ailleurs, elle s’adapterait à ce milieu en changeant de taille au cours de la saison afin de rester au plus près du sol pendant la période critique. Elle passe de 5 cm, lors des derniers gels du mois de mai à 15-25 cm durant les premières chaleurs du mois de juillet où elle expose ainsi ses graines plumeuses à la dispersion par le vent (en grec « anemone » signifie « vent »).

Recourir à un anti-gel


Les mousses sont présentes dans de nombreux milieux, sur des rochers ou des troncs d’arbres. En raison de leur capacité d’adaptation exceptionnelle à la déshydratation, les mousses ont aussi et paradoxalement d’excellentes propensions à s’adapter au froid. Leurs caractéristiques morphologiques jouent un rôle : une petite taille et une forme en coussinet limitent l’exposition au froid, certaines présentent même des poils hyalins (filaments blanchâtres) pouvant servir
d’isolant thermique.

Par ailleurs, chez les mousses, le froid provoque une augmentation des sucres dans leurs cellules, si bien que l’eau qu’elles contiennent est moins sensible au gel, tandis que chez de nombreuses plantes à fleurs, celui-ci est destructeur. De plus, les mousses sont capables de photosynthétiser à des températures beaucoup plus basses que les plantes à fleurs. C'est pour ces raisons qu'elles sont si abondantes sur les versants nord et en altitude dans les Cévennes et plus généralement dans les régions boréales.

En raison du changement climatique en cours, on peut se questionner sur l’avenir de ces végétaux présents depuis les dernières grandes glaciations et dont les sommets montagneux constituent le dernier refuge.
 

 Les arums produisent de la chaleur !
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Gouet Tacheté © Wikipédia

La famille des Aracées qui comprend notamment le genre Arum en Europe a recours à la thermogenèse. L’objectif premier n’est pas ici de se réchauffer mais d’assurer sa pollinisation. Présents dans les sous-bois frais et humides (bords de rivières, chênaies et frênaies), les arums à l’image du Gouet tacheté (Arum maculatum) fleurissent à des périodes où l’ensoleillement et la température ambiante sont peu propices à la volatilisation de leur parfum : au crépuscule, pendant la nuit, au lever du jour, au début du printemps. Afin de favoriser une diffusion large de leur subtile fragrance (une odeur d’excréments ou de cadavre), les organes reproducteurs des arums produisent une forte chaleur sur un temps court afin d’attirer les moucherons pollinisateurs qui y resteront temporairement prisonniers. Cette propriété d'émission de chaleur peut parfois conduire à des observations très originales en Cévennes lors de chutes de neige tardives au mois d’avril au moment de sa floraison. La neige ne se maintient pas autour des pieds de l’arum en fleurs !

 

 

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Cet article est extrait du dernier numéro du magazine du Parc de serres en valats. Son Grand angle vous présente les stratégies des plantes pour survivre dans des conditions parfois extrêmes en Cévennes.

Vous pouvez le télécharger sur notre site en cliquant sur ce lien