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« Les 50 ans resteront gravés dans ma mémoire ! »

Institutionnel

 

 

 

 

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Une délégation cévenole s’est rendue au congrès des RICE dans les Pyrénées en octobre © P Meyer AE Medias

 

Anne Legile quitte ses fonctions de directrice du Parc national des Cévennes à la fin de cette année 2023. Ingénieur agronome, elle a pris les commandes de l’établissement public en janvier 2016. Retour sur 8 ans passés à la tête du Parc.

 

 

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Dans quel état d’esprit quittez-vous la direction du Parc ?

Pour être franche, quitter le Parc n’a pas été une décision facile à prendre mais je suis sereine. Aujourd’hui, l'ensemble des postes de l'établissement sont pourvus. La gouvernance a également été renouvelée et j’ai pu accompagner le nouveau président du conseil d’administration durant 1 an. Tout est en place pour que la continuité soit assurée.

 

Vous partez avec le sentiment du travail accompli ?

J’aurais souhaité faire davantage mais on fait ce qui est possible en fonction du contexte du moment. Nous avions par exemple souhaité créer un poste en partenariat avec la Chambre d'agriculture pour promouvoir l'agriculture biologique. Cela n'a pas fonctionné mais ce n'est peut-être que partie remise. Globalement nous avons fait énormément de choses comme le montrent nos rapports d’activités. Notre palette d’actions est très diversifiée et nous avons la possibilité d’intervenir à l’échelle d’un territoire avec 80 agents experts et passionnés, c’est une chance incroyable. Et les résultats de nos actions sont visibles : la maison du tourisme et du Parc de Florac a ainsi permis de sauver le bâtiment de la gare et c’est un outil extraordinaire de promotion du territoire ; la mobilisation de fonds européens pour rénover l’éclairage public permet aux communes de faire des économies de 70 à 90 % sur leur facture d’électricité ; des espèces rares ou discrètes viennent s’installer : un couple d’Aigle botté, des chouettes de Tengmalm ou des Chevêchettes…


Quelles actions structurantes retenez-vous ?

Nous avons fortement augmenté nos connaissances sur les patrimoines naturels mais surtout nous les avons partagées et parfois acquises en partage, comme avec les Atlas de la Biodiversité Communale. C’est un outil auquel je suis très attachée car il nous permet de parler de biodiversité avec le territoire autrement qu’avec des outils réglementaires. Cette connaissance fait la fierté des habitants et leur donne envie de protéger la faune et la flore locales. Nous avons également
mis en place des outils de gestion très utiles. Nous disposons maintenant d’un observatoire de l’équilibre agro-sylvo-cynégétique partagé avec les forestiers, les agriculteurs et les chasseurs.

Sur le volet développement durable, nous avons beaucoup œuvré sur le tourisme avec le déploiement de la marque Esprit parc national et nous sommes l’un des trois parcs nationaux qui comptons le plus d’acteurs engagés dans cette démarche.
S’agissant de la forêt, des acquisitions ont été effectuées pour laisser des parcelles en libre évolution. Même si elle ne connaît pas un grand succès pour le moment, une charte des bonnes pratiques de récolte de bois a été élaborée avec les professionnels.

Pour ce qui est de l’agriculture, l’ambition a été d’aider les exploitations à valoriser les ressources existantes dans une optique de résilience pour faire face au changement climatique. La multiplication des prairies naturelles et la plantation de haies pour les pollinisateurs en sont de bons exemples. Il me serait difficile de citer tous les grands chantiers réalisés ou engagés mais ce qui me semble important c'est que l'établissement aide le territoire à se préparer aux enjeux de demain. Plus de 2000 élèves sont ainsi sensibilisés chaque année aux problématiques environnementales grâce aux interventions des agents du Parc dans les classes. Les élus, habitants, socio-professionnels ont été associés à la démarche Natur'adapt qui vise à réfléchir à la façon dont les aires protégées peuvent s'adapter au changement climatique et des groupes de travail réfléchissent à la façon d'intégrer le bioclimatisme dans l'architecture vernaculaire.

 

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Lâcher de Gypaètes barbus en mai 2022 © Olivier Prohin - PNC


La labellisation du Parc national comme Réserve internationale de ciel étoilé est également une grande avancée ?

Bien sûr. Avant d’arriver ici, j’habitais à Paris où l’on ne voit plus les étoiles. J’ai terminé mon entretien d’embauche au Parc en disant que je n’aurai aucune difficulté à quitter la ville lumière pour la future réserve internationale de ciel étoilé des Cévennes. Ce n’est pas moi qui ait initié ce projet, c’est mon prédécesseur qui a eu une très bonne idée, mais je suis heureuse de l’avoir mené à terme avec les astronomes amateurs, les syndicats de l’électricité et les acteurs du tourisme car c’est désormais une grande fierté pour le territoire.

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50 ans du Parc © Laurent Caldéac

Quel évènement marquant retiendrez-vous ?

Je pense que les 50 ans du Parc fêtés en septembre 2020 resteront gravés dans ma mémoire. Nous avons réussi à en faire une fête exceptionnelle. Malgré les masques imposés par le contexte sanitaire et la météo capricieuse, l’évènement a été un grand moment de partage avec le territoire et les autres parcs nationaux ! Et cet anniversaire a été un moteur incroyable pour le collectif de l’établissement.

Avez-vous des regrets ?


J’aurais aimé pouvoir passer plus de temps avec les agents pour profiter de leur expertise et me nourrir davantage de ce qu’ils construisent au quotidien avec les habitants. Je suis allée sur le terrain pour expliquer le rôle et les missions du Parc et je me suis aussi souvent déplacée en « pompier » dans des situations difficiles. Cela s’est bien passé la plupart du temps car on trouve toujours un point d’entente, nous avons au final tous le même objectif : vivre dans un territoire préservé et vivant.

Je regrette aussi que le territoire du Parc et notamment le cœur ne soit pas encore assez identifié comme un lieu d’exception par les habitants et les visiteurs. Ceci est lié à notre géographie car le coeur de Parc est très découpé. Je pense à deux lieux qui sont emblématiques : les sommets de l’Aigoual et de Finiels où je trouve que les aménagements, les parkings, ne sont pas à la hauteur des paysages incroyables, c’est un peu dommage mais je ne doute pas que cela va évoluer.

Quel rôle peut jouer le Parc dans les prochaines années ?


Il doit continuer à apporter des connaissances qui permettront d’aider à anticiper les changements climatiques qui vont s’accentuer. Il faut faire attention aux réponses qui seraient trop simples ou simplistes. Sur la question de l'eau par exemple, le Parc va lancer une étude pour évaluer les ressources existantes en milieu granitique sur le mont Lozère mais il nous faut aussi envisager parallèlement une plus grande sobriété des usages dans tous les domaines. Il y a un enjeu majeur pour que notre territoire soit plus résilient avec des solutions à long terme et le Parc peut aider à les expérimenter.

Deux mots si vous le permettez pour terminer. Le premier pour évoquer les magnifiques paysages de ce territoire. Les cévenols sont très attachés à leur identité et à leurs spécificités, les paysages en font partie. Il est donc de notre devoir commun qu'ils conservent leur caractère exceptionnel, base de l'inscription au patrimoine mondial de l’Unesco. Et le second pour souhaiter à mon successeur autant de plaisir que j'en ai eu dans cette fonction à la tête du Parc. 

 

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Cet article est extrait du dernier numéro du magazine du Parc de serres en valats. Son Grand angle vous présente les stratégies des plantes pour survivre dans des conditions parfois extrêmes en Cévennes.

Vous pouvez le télécharger sur notre site en cliquant sur ce lien