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A la découverte de la flore du Parc – Episode 5 : Fraissinet de Fourques et Gatuzières

Flore


 

Partez à la découverte de la flore du Parc avec notre garde moniteur Emeric Sulmont !
Le printemps arrive à grand pas et ces observations réalisées l’année dernière vous permettront d’être prêts pour ce moment tant attendu par les botanistes amateurs ou éclairés !
L’occasion de découvrir des espèces remarquables, rares ou indicatrices à observer avec passion et bienveillance.
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Gatuzières © Arnaud Bouissou TERRA Ministère de l'Environnement

[Fraissinet de Fourques et Gatuzières (48), prospection lichens et autres enjeux en forêt domaniale de l’Aigoual Observations réalisées le 28 septembre 2020 avec l’équipe des agents du PNC du massif Causses-Gorges]

 

Dans la perspective des coupes forestières prévues à l’aménagement de la forêt domaniale de l’Aigoual pour l’année 2021, il s’agissait ici de compléter la prospection de quelques parcelles forestières tout en révisant les lichens et autres cryptogames indicateurs de longue continuité du couvert forestier.

Nous commençons à l’ouest de Cabrillac où seule la bordure orientale (combe occupée par une mégaphorbiaie) avait été visité en 2014 par Géraldine Costes, notre garde monitrice sur le massif de l’Aigoual, puis par le Conservatoire Botanique en 2015.

Ils avaient notamment relevé les espèces remarquables suivantes Adenostyles alliariae, Ranuncus aconitifolius et Tephroseris helenitis.

D’un point de vue des cryptogames c’est dans la même combe que nous relevons un cortège typique du Lobarion : Lobaria pulmonaria, L. scrobiculata, Nephroma bellum ainsi que Peltigera collina, P. praetextata et P. hymenina.

Il est comme souvent accompagné d’une mousse dite « mousse à manchon » qui présente les mêmes exigences écologiques : Antitrichia curtipendula.

Lobaria pulmonaria, L. scrobiculata et L amplissima

Dans cette ambiance, nous trouvons également un polypore indicateur de maturité forestière : Fomitopsis pinicola (le Polypore marginé) qui se développe plutôt sur résineux mais peut également être observé sur hêtre ou bouleau comme ici.

Il n’est pas rare mais indique un vieillissement du peuplement souvent favorable à un enrichissement en coléoptères.

A noter que la pourriture qu’il engendre sur les arbres est appelée «  carrie rouge » : le champignon dégrade la cellulose du bois donnant un aspect rouge cubique ou poudreux au bois mort. C’est un élément intéressant à prendre en compte pour la recherche de certains coléoptères typiques de la carrie rouge.

Un autre polypore plus « flashy » nous interpelle, il s’agit du Polypore cinabre ou Trametes cinabre (Pycnoporus cinnabarinus), d’un très bel orange vif. Il est caractéristique des bois de pruniers ou sorbiers morts en contexte humide. Il s’agit d’un polypore annuel ne persistant pas plus d’une saison sur son support.

 

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Pycnoporus cinnabarinus © Emeric Sulmont PNC

 

Nous explorons ensuite la rive gauche de la combe dans une hêtraie sur rochers affleurant.

Elle présente des troncs tordus avec de nombreuses petites cavités, dont certaines en eau (dendrotelmes). Le cortège de lichen se complète avec Peltigera horizontalis et Lobaria amplissima ainsi que Degelia plumbea, ce dernier ayant un statut réglementaire à l’échelle du PNC, nous marquons à la peinture les quelques arbres porteurs pour éviter leur martelage.

Le reste de la parcelle que nous visitons est occupée par des plantations de résineuses équiennes et peu diversifiées sans intérêt particulier.

Nous poursuivons l’après-midi dans la forêt de Tabilloux, au sud de Fraissinet de Fourques.

Il s’agit d’une futaie de hêtres dont les diamètres sont encore un peu limites pour accueillir des loges de pic.

Nous nous attardons sur les arbres les plus tordus et riches en dendromicrohabitats. Nous trouvons l’Amadouvier (Fomes fomentarius) sur des hêtres sénescents, à la différence du Polypore marginé, il engendre une « carrie blanche ». Le champignon dégrade la lignine et laisse les filaments de cellulose en place donnant souvent un aspect fibreux et blanc au bois attaqué (type « courgette spaghetti »).

Le cortège de coléoptères qui peut être accueilli est très différent de celui présent dans la carrie rouge.

 

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Amadouvier (Fomes fomentarius) © Emeric Sulmont PNC

 

Nous trouvons aussi un couple de loir squattant une cavité de hêtre à hauteur d’homme.

La mousse à manchon (Antitrichia curtipendula) est également présente ainsi que le Polypore du bouleau (Piptoporus betulinus), un champignon blanc parfois légèrement brun. Il est relativement mou et nourrit souvent un grand nombre de coléoptères (entre autres : Diaperis boleti, Thymalus limbatus ou plus exceptionnellement Peltis grossa comme dans une boulaie à proximité de Villefort), il est donc fortement indiqué de regarder de près (par en dessous) les vieux polypores entre mai et juin.

 

 

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Diaperis boleti, Tenebrionidae © Emeric Sulmont PNC 

En lichen nous notons encore Peltigera collina sur quelques hêtres tordus et Peltigera horizontalis, toujours à la base d’arbres moussus.

Un thalle immense de Lobaria pulmonaria colonise un reste de grume de hêtre moussue. Neckera pumila une mousse formant des draperies à la base des arbres (feuilles ondulées) conforte encore par sa présence le caractère ancien de la forêt. On termine par la découverte du Sparassis crépu (Sparassis crispa, champignon comestible…) au pied d’un vieux pin, ainsi que de Rhytidiadelphus loreus (une mousse d’humus forestier exigeante sur l’hygrométrie moyenne de la forêt et l’intégrité du sol (peu de perturbation mécanique).

Enfin sur le talus de la piste en rive gauche du ruisseau, nous découvrons Peltigera aphthosa, un lichen foliacé typique des ambiances de chaos ou pierriers rocheux en ambiance confinée ou froide, à proximité une mousse peu commune forme un épais tapis qui « absorbe » l’eau suintant de la paroi : Philonotis tomentella.

Peltigera collina, Peltigera aphtosa et Rhytidiadelphus loreus

Ici s'achève notre voyage au pays des merveilles végétales.

J’espère que vous avez apprécié ces petites balades botanistes. Au Parc, nous sommes convaincus que c’est en transmettant nos observations et nos découvertes que nous pourrons apprécier ensemble l’extraordinaire biodiversité du territoire. Alors surtout, n’oubliez pas, ces trésors sont fragiles et il est de notre responsabilité à tous de les protéger pour qu’ils puissent continuer à nous émerveiller !