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Piéger le frelon asiatique : nos 7 conseils

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De plus en plus d’apiculteurs subissent de nombreux dégâts causés par le frelon asiatique. L'enjeu ? le piéger en limitant les risques pour les autres espèces. © Siga via Wikimedia Commons

A l’automne, de plus en plus d’apiculteurs subissent de nombreux dégâts causés par le frelon asiatique. Celui-ci entraine un affaiblissement des colonies voire de la mortalité.

Nous vous proposons quelques conseils pour le reconnaitre et piéger les fondatrices au printemps en limitant au maximum les risques pour les autres espèces.

 

Préambule : pourquoi piéger ?

 

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Gilles San Martin - Wikimedia
Gilles San Martin - Wikimedia

Originaire d’Asie, le frelon asiatique (Vespa velutina) figure depuis 2016, sur la liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union européenne. A la recherche de protéines pour nourrir leurs larves, ce prédateur consomme 40% d’abeilles et 60% d’autres insectes pollinisateurs (guêpes, papillons…). En capturant un grand nombre d’insectes, il crée un déséquilibre écologique néfaste pour la biodiversité. « Pour nourrir ses larves, une colonie moyenne chassera tout au long de son développement environ 97 000 insectes » (Q. Rome MNHN Colloque lutter contre le frelon asiatique) 

Classé parmi les dangers sanitaires, le frelon asiatique cause des mortalités hivernales des colonies abeilles. Sur les ruchers, les frelons se positionnent en vol stationnaire à l’entrée des ruches ce qui représente un stress et perturbe l’activité des butineuses. Les abeilles ne peuvent donc pas sortir librement pour récolter assez de nectar et de pollen pour passer l’hiver. La colonie s’affaiblit progressivement et meurt pendant l’hivernage.

 

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© INPN
© INPN

 

Le piégeage des reines fondatrices au printemps n’éradique pas le frelon asiatique mais permet de limiter la pression de prédation. En effet, la capture des reines limite la formation de nouveaux nids et ainsi évite l’émergence de milliers de nouvelles reines au printemps suivant.

Mieux vaut préconiser le piégeage plutôt que l’utilisation de produits insecticides pour détruire les nids car ces produits sont nocifs pour l’environnement. De plus, traiter un nid en fin d’automne est inutile car à cette période car celui-ci est inoccupé et ne sera pas réutilisé.

Dans un contexte où la biodiversité est menacée et où le nombre d'insectes diminue drastiquement, tout l'enjeu consiste également à bien faire attention à ne pas capturer d'autres insectes comme les papillons, les mouches ou d'autres hyménoptères.

 

 

Conseil n°1 : le reconnaitre

 

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Source : MNHN
Source : MNHN

 

Le frelon asiatique fait partie des insectes sociaux comme l’abeille domestique. C’est-à-dire qu’il vit au sein d’une colonie composée d’une reine fondatrice, d’ouvrières (femelles stériles), de mâles et de futures fondatrices (femelles reproductrices). Le frelon asiatique est plus petit que le frelon européen (3 cm de long). Sa tête est noire avec la face jaune orangée. Son thorax est brun foncé et son abdomen brun présente de fines bandes jaunes. L’extrémité de ses pattes est jaune.

A la sortie de l’hiver, la reine fondatrice fécondée à l’automne émerge pour construire un nid primaire (<10 cm) dans lequel elle va pondre. En phase de croissance, des ouvrières naissent et la colonie s’agrandit jusqu’à la fin de l’été atteignant 13 000 individus. Ensuite, la colonie se délocalise pour construire un nid secondaire (80 cm de diamètre) en hauteur dans un arbre. Dans chaque nid, environ 2 000 ouvrières élèvent 500 nouvelles fondatrices. A l’automne, ces femelles fertiles se reproduisent avec les mâles avant d’hiverner jusqu’au printemps suivant. La vieille reine, les ouvrières et les mâles meurent pendant l’hiver.

 

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Retrouvez d'autres informations pour l'identifier sur le site de l'Inventaire National du Patrimoine Naturel (INPN) ou le site de l'Institut technique et scientifique de l'abeille et de la pollinisation.

 

 

Conseil n° 2 : attention au piège !

 

Il existe différents types de pièges qui peuvent être achetés dans le commerce. Il est également possible de les fabriquer soi-même, de nombreux tutos sont disponibles sur internet.

Nous ne pouvons pas vous recommander un piège ou un tuto en particulier car les connaissances globales sur l’efficacité et la sélectivité de ces méthodes sont à l’heure actuelle insuffisantes. Cependant il est crucial de bien vérifier que le système permet aux autres insectes (guêpes, abeilles, mouches...) de ressortir. Il est conseillé de le doter d’orifices de 5 mm permettant aux petits insectes non ciblés (guêpes, abeilles…) de s’échapper et d’un trou d’entrée suffisamment large pour laisser passer le frelon asiatique mais trop étroit pour le frelon européen et les papillons (9 mm).

Autre point d'attention : pour une sélectivité optimale, les pièges de type "nasses" équipés de cônes avec un orifice d'entrée de 6 mm peuvent être privilégiés. La nasse doit être confectionnée avec un grillage ou disposer d’un système permettant l’échappée des plus petits insectes.

En effet, sans système de sélection physique des insectes par la taille, le frelon asiatique représente seulement 1 à 4 % des insectes capturés... D'où l'importance de bien respecter ce critère !

 

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Exemple de piège de type "nasse"

 

L'ITSAP, et Interapi et le MNHN ont étudié l'efficacité des pièges et des périodes de piégeages. Les liens vers leurs résultats sont affichés à la fin de cet article.

 

Conseil n° 3 : choisir son attractif

 

Au printemps, le frelon asiatique va rechercher une nourriture sucrée. Vous pouvez utiliser de l’appât du commerce ou préparer un mélange maison (1/3 bière – 1/3 vin blanc – 1/3 sirop). On peut également récupérer du fond de brassin.

L’alcool va permettre de limiter le piégeage des abeilles même s'il convient de garder à l'esprit qu'il n’existe pas d’attractif véritablement sélectif à ce jour. 

 

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Le Frelon asiatique est attiré par le sucre © Fablegros Pixabay
Le Frelon asiatique est attiré par le sucre © Fablegros Pixabay

 

 

Conseil n°4 : entretenir le piège

 

Comme l’alcool se dégrade, il est conseillé de renouveler l'attractif tous les 8-10 jours maximum (3 à 4 jours en cas de coup de chaud) afin de conserver l’efficacité du piège et limiter les prises d’insectes non ciblés.

Mais ne pas laver le piège ! Quand un frelon est piégé, il libère des phéromones qui vont attirer d’autres frelons. Il est même conseillé de laisser des frelons morts, le plus difficile étant de piéger le premier frelon !

Le renouvellement de l’attractif doit tenir compte des conditions météos. Un appât sera attractif s’il fait beau et chaud, car ces conditions sont favorables aux frelons. Si du mauvais temps est prévu pendant une semaine, il vaut mieux attendre que la météo redevienne favorable avant de remettre un appât frais sinon celui-ci se détériore et deviens moins attractif lorsque le beau temps revient.

 

 

Conseil n°5 : bien positionner son piège

 

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Un maillage fin et régulier (1 piège tous les 350m) est recommandé.

Dans la mesure du possible, prioriser les lieux attractifs pour le frelon, à proximité d’une zone de nourriture (ancien nid, jardins, ruches…) en privilégiant les endroits où le frelon asiatique cause des gros dégâts sur les ruchers d'automne.

Il est recommandé de placer le piège à une hauteur comprise entre 0,50 m et 1,50 m avec une exposition au soleil le matin et plutôt à l’ombre l’après-midi.

 

 

 

Conseil n°6 : respecter la période de piégeage

 

La période de piégeage démarre en général en tout début de printemps lorsque la température approche 15°C et se termine mi-mai. Cela correspond au moment où les reines sortent pour construire leur nid primaire. La période de piégeage peut démarrer plus ou moins tôt selon l’altitude et la météo.

 

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Pour éviter les nids, l'idéal est de pièger en avril - mai © Claude Aleva Pixabay
Pour éviter les nids, l'idéal est de pièger en avril - mai © Claude Aleva Pixabay

 

Dans le Parc, un suivi de piégeage a été réalisé de mars à juillet 2021. Environ 30 participants nous ont envoyé leurs résultats et des analyses ont été réalisées sur 80 pièges. Ces résultats montrent qu’il ne sert à rien de piéger trop tôt car en mars, la grande majorité des pièges ne capturent pas de frelons asiatiques. Il ne faut pas non plus piéger trop tard car à partir de juin, les pièges capturent plus de frelons européens que de frelons asiatiques.

Il ne faut pas non plus piéger trop longtemps. En effet, au bout de 6 semaines les reines ne sortent plus de leur nid. De plus, à partir de juin, on piège d’autres insectes notamment du frelon européen.

Pour une efficacité optimale, le piégeage doit être répété sur au moins 4 années consécutives.

 

 

Conseil n°7 : coordonner nos actions

 

Le piégeage du frelon asiatique doit être coordonné pour être efficace.

Via un plan de lutte, les communes et les apiculteurs peuvent former un réseau avec l’appui de structures techniques (GDSA, FREDON). Ces structures permettent d’encadrer le piégeage en donnant un protocole à suivre et en formant des référents au sein des communes. Ces référents transmettent l’information et suivent les données de piégeage. Cette coordination permet notamment de limiter les couts de destruction des nids pour les communes. 

Quelques cas concrets peuvent être cités :

  • Le Groupement de Défense Sanitaire du Gard (GDSA 30) a mis en place depuis 2008, un réseau de lutte contre le frelon asiatique et un travail collectif de piégeage de printemps depuis 2017 (1400 fondatrices piégées sur la période allant de mars à juin 2020).
  • Le département du Morbihan a mis en œuvre depuis 2015 un plan de lutte associant piégeage de printemps et destruction des nids en travaillant avec les collectivités locales et les apiculteurs et avec l’aide de la FDGDON (FREDON Bretagne)
  • En février 2022, un plan national de piégeage de printemps des frelons asiatiques
  • Depuis avril 2022, un plan national de lutte contre le frelon asiatique autour d'un groupe de travail organisé par GDS France et la FNOSAD et qui a réuni l’ensemble des acteurs de la filière apicole.

 

Depuis 2019, le Parc national des Cévennes et le Groupement de Défense Sanitaire Apicole de la Lozère (GDSA48) organisent des campagnes de sensibilisation et de piégeage au printemps pour cibler les fondatrices.

Dans le cadre du programme pollinisateurs (2020-2023), des réunions d’informations et d’échanges ont eu lieu sur les communes du territoire, afin de réaliser le piégeage dans les meilleures conditions possibles. L'objectif est de pouvoir piéger de manière efficace tout en évitant de capturer d’autres insectes.