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A la découverte de la flore du Parc - Saison 2 - Episode 1 : le bois de Tessonne

Flore

Pour la seconde année consécutive, partez à la découverte de la flore du Parc avec notre garde moniteur Emeric Sulmont ! L’occasion de découvrir des espèces remarquables, rares ou indicatrices à observer avec passion et bienveillance.


Le Bois de la Tessonne sur le flanc nord du Causse de Blandas, en rive droite de l’Arre, a fait l’objet de plusieurs excursions botaniques depuis le 19ème siècle.

A chaque fois de nouvelles raretés ont été découvertes sans pour autant réactualiser toutes les mentions précédentes.

 

Le célèbre botaniste suisse Braun-Blanquet cite le Bois de la Tessonne près de 120 fois dans son catalogue de la flore de l'Aigoual. Certaines mentions sont même devenues mythiques, comme celle de l'Ail de Sicile, qui n'a jamais pu être confirmé.

Joël Mathez tentera également sa chance en 1982 en établissant un inventaire conséquent du bois de la Tessonne avec la Société Botanique de France.

Notons entre autres la présence de nombreuses espèces considérées comme à enjeu pour le PNC : Ancolie visqueuse, Pivoine officinale, Grassette des Causses, Saxifrage des Cévennes, Millepertuis à feuille d’Hysope, Seneçon de Gérard, Serratule à tige nue, Pulmonaire à longue feuilles ou encore Lis martagon.

Toutes ces remarquables citations justifiaient donc cette journée de prospection-formation.

 

[ Le Bois de la Tessonne, Arre (30), le 29 avril 2021]

 

Au départ de la Gare d’Arre (320 m d’altitude), nous entamons un inventaire global en traversant le pont métallique de l’ancienne voie de chemin de fer reliant le Vigan à Millau. D’abord rudérale (qui croît dans les décombres), la flore évolue vers un cortège proche de celui de la garrigue puis, au début de la montée du Causse de Blandas, vers celui d’un bois de chêne pubescent et de chêne vert régulièrement entrecoupées de barres rocheuses calcaires.

On y admire quelques Orchidées : l’Orchis singe (Orchis simia), l’Orchis mâle (Orchis mascula), l’Orchis pourpre (Orchis purpurea), la Céphalanthère à longues feuilles (Cephalanthera longifolia), l’Ophrys araneola et des rosettes de l’Orchis bouc (Himantoglossum hircinum). Cependant, le Prunier de Sainte Lucie (Prunus mahaleb), le genêt d’Espagne (Spartium junceum), l’Asperge sauvage (Asparagus acutifolius), la Lavande (Lavendula latifolia), l’Euphorbe de Nice (Euphorbia nicaensis) ou l’Euphorbe characias rappellent que nous sommes bien sous influence méditerranéenne.

Orchis singe, Orchis pourpre et Céphalanthère à longues feuilles

 

Sur le sentier montant vers le Roc de la Femme, nous nous arrêtons au pied d’une barre rocheuse, où nous trouvons la Grassette des Causses (Pinguicula longifolia subsp caussensis), une endémique remarquable des falaises suintantes des Causses.

Elle est accompagnée de Solorina saccata, un lichen foliacé au large thalle (corps végétatif) vert ponctuée de cercle marron d’un centimètre de diamètre environ. Il est typique des surplombs calcaires frais et à ce titre mérite d’être connu, car indicateur d’ambiance favorable à Mannia triandra, une hépathique à thalle protégée que nous ne parvenons pas à détecter ici.

 

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Grassette des Causses © Emeric SULMONT - Parc National des Cévennes

 

Plus loin, une espèce nous retarde un moment au bord du chemin : l’Ibéris intermédiaire (Iberis intermedia), qui est encore en bouton. Cette espèce est peu commune dans le PNC, limitée aux gorges calcaires des Causses et au piémont cévenol.

Elle se trouve souvent sur des éboulis fins de versant nord ou parfois sur des habitats apparentés de dépôts de graviers calcaires au bord des routes.

 

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Ibéris intermédiaire © Emeric SULMONT - Parc National des Cévennes

Avec ses petites fleurs à quatre pétales d’un beau rose, une autre espèce attire notre attention dans cette chênaie à buis défolié par la Pyrale : il s’agit de l’Arabette vernale (Arabis verna) qui est une espèce très rarement notée dans le Parc.

D’autres végétaux annuels (dont la durée de vie ne dépasse pas un an) plus communs comme l’Arabette tourette (Pseudoturritis turrita) profitent de la disparition provisoire du buis, sérieux concurrent pour la lumière. Ce phénomène d’explosions d’annuelles a déjà été observé après une mortalité importante de callune (suite à une sècheresse) dans des landes sèches dans la vallée française.

 

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Arabette Vernale © Emeric SULMONT - Parc National des Cévennes

 

La disparition brutale du couvert arbustif avait également fait « exploser » la banque de graines du sol (la callune ayant la propriété d’inhiber la germination des graines d’autres espèces). Il y a fort à parier que le dérèglement climatique génère des phénomènes similaires conduisant à la prolification d’espèces annuelles, comme on peut en observer dans les régions soumis à climat aride.

Plus loin, nous explorons un pied de falaise, et deux d’entre nous entendent l’impact d’une pierre tombée de la falaise à quelques mètres… Il n’est jamais sans risque de fréquenter ces habitats après une période pluvieuse…

Quelques mousses sont brièvement identifiées au pied de la paroi avant de poursuivre l’ascension du Causse dans un étroit couloir.

Leptodon smithii est une curieuse espèce formant sur l’écorce des arbres ou les parois chaudes mais ombragées de « petites boules de Gericko » lorsqu’elle est sèche. Ces boules s’étalent promptement comme la queue d’un scorpion quand elles sont humidifiées.

 

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Leptodon Smithii © Emeric SULMONT - Parc National des Cévennes

 

Nous débouchons sur une chênaie avec buis « dénudés » entouré d’une végétation arbustive où quelques pieds d’Asphodèle-cerise (Asphodelus cerasiferus) s’épanouissent.

Enfin, nous entamons un parcours en balcon dans la chênaie pubescente où le Lis martagon est bien présent accompagné de la Gesse noire (Lathyrus niger) qui doit son nom à la couleur qu’elle prend lorsqu’elle sèche en herbier.

Nous nous dirigions vers des mentions d’Ancolie visqueuse (Aquilegia viscosa) et de Millepertuis à feuilles d’Hysope précisément cartographiés par Joël Mathez en 1982. Nous les retrouvons non sans difficulté dans un éboulis de pente. L’un de nous le surplombe et retrouve la mention inhabituelle pour un sol calcaire du Moloposperme (Molopospermum peloponnesiacum).

 

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Molopospermum Peloponnesiascum © Emeric SULMONT - Parc National des Cévennes

C’est un peu avec regret que nous finissons par quitter le bois de la Tessonne car il mériterait bien plusieurs jours d’exploration supplémentaires pour révéler toutes ses richesses !

 

J’espère que vous avez apprécié cette petite balade botaniste !

Au Parc, nous sommes convaincus que c’est en transmettant nos observations et nos découvertes que nous pourrons apprécier ensemble l’extraordinaire biodiversité du territoire. Alors surtout, n’oubliez pas, ces trésors sont fragiles et il est de notre responsabilité à tous de les protéger pour qu’ils puissent continuer à nous émerveiller !

 

[ Prochain épisode : la vallée de la Bournave ! ]

 

Pour aller plus loin :

 

Les autres épisodes de la série "A la découverte de la flore du Parc" :

Saison 2

Saison 1

 

 

 

Sauf mention contraire, les photos de cet article ont été prises par Emeric Sulmont - Parc national des Cévennes