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Raton laveur : une observation inédite sur le territoire

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 © Darkone wiki

Jamais il n’avait été officiellement observé sur le territoire du Parc national des Cévennes.

Pour la première fois, la présence du Raton laveur (Procyon lotor) a été confirmée par une vidéo prise de nuit sur la commune d’Ispagnac au mois d’octobre.

Nous avons interrogé Yann Dissac, notre chargé de mission biodiversité, sur cette observation et ce qu'elle implique.

 

 

Dans quelles conditions a été réalisée cette observation ?

Elle a été prise en vidéo avec un appareil automatique, à Ispagnac, sur les berges d’un ruisseau. 

Je fais ce type de démarches par curiosité personnelle mais aussi car je contribue à l’Atlas de la biodiversité communale qui est en cours. Au départ, je visais plutôt la loutre qui est une espèce emblématique de nos cours d’eau.

 

En quoi cette observation est-elle intéressante ?

Le fait de disposer d’une vidéo est un élément matériel précieux car elle permet de lever des incertitudes.

Nous disposions de plusieurs signalements mais il s’agissait de rencontres furtives qui laissaient encore planer un doute (confusion possible avec un blaireau, un putois ou un chien viverrin...).

 

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Le chien viverrin, originaire d'Asie orientale est parfois confondu avec le raton-laveur. Il a déjà été observé sur le mont-Lozère.

 

Quelles sont les caractéristiques du raton-laveur ?

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Le raton-laveur est très agile dans les arbres © Ken Thomas

C'est une espèce de mammifère omnivore originaire d'Amérique du Nord.

Avec ses longues oreilles, son masque noir, sa queue annelée et son allure de peluche, il est assez facile à reconnaitre.

Essentiellement nocturne, le Raton laveur est connu pour grimper aux arbres et pour l’agilité de ses mains qui lui vaut son nom (il montre notamment une grande dextérité pour laver ses aliments dans l’eau).

 

 

 

 

Le raton laveur n'est pourtant pas une espèce européenne comment expliquer son arrivée?

L’espèce s’observe surtout dans le Nord Est de la France où elle se serait implantée dans les 1960, dans l’Aisne, à partir d’un camp militaire américain (on dit qu’elle aurait été importée en tant que mascotte). 

Aujourd’hui, il existe d’autres noyaux de populations en Gironde et dans le Massif-central (Allier, Haute Loire, Puy de Dôme...).

Depuis les années 90, quelques observations ponctuelles ont été signalées en Lozère sans qu’une réelle implantation ne soit constatée.

Il est difficile d’expliquer la présence de cet individu isolé à Ispagnac mais on observe globalement une extension de la répartition de l’espèce vers le sud. 

 

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Quelques observations avaient déjà eu lieu en Lozère dans les années 90 © Hans Hillewaert

 

Comment réagit le Parc face à une observation de la sorte ?

Il s’agit d’une espèce dont la présence est jugée préoccupante au niveau Européen et dont l’introduction, le transport ou la détention sont interdits en France. 

Aux Etats-Unis, certains problèmes sont rapportés (tendance à fouiller les poubelles ou à se servir dans les jardins et les cultures etc.) mais rien de significatif n'a été observé dans notre région. Les populations restent assez faibles et nous n’avons pas connaissance d’impact avéré sur les écosystèmes.

A ce stade, il s’agit simplement d’une nouvelle espèce que nous allons surveiller.

 

Quels enseignements pouvons-nous en tirer ?

Chaque arrivée d’une espèce exotique suscite des craintes pour la faune, la flore et les écosystèmes locaux.

Nous savons aujourd’hui que le développement d’espèces exotiques envahissantes figure parmi les 5 principales causes de l’érosion de la biodiversité.

La mondialisation des échanges facilite la circulation de nombreuses plantes, de champignons, d’animaux, de bactéries de manière volontaire (collections, nouveaux animaux de compagnie...) ou non (dans les ballasts des bateaux, sur des marchandises...).

La grande majorité ne survit pas dans un nouvel environnement. Seule une infime partie parvient à se maintenir, à se reproduire et parfois à prospérer. Parmi ces dernières, quelques-unes vont poser beaucoup de problèmes pour les écosystèmes en place (ex : la Renouée du Japon, la Jussie, les écrevisses américaines,...).

C’est désagréable de le dire mais l’homme est le principal responsable de ces situations et il ne sert donc à rien de « diaboliser » ces espèces.  

 

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Dans le Parc national des Cévennes, l'"Ecrevisse à pieds blancs" est notamment menacée par l’introduction d’écrevisses exotiques envahissantes. Voir notre article récent sur le sujet.   © Jean-Pierre Malafosse - Parc national des Cévennes

 

Pour moi la « prévention » est la clé. Il faudrait arrêter d’introduire de nouvelles espèces exotiques, apprendre à reconnaitre et éviter de propager celles qui sont déjà présentes, préserver des écosystèmes forts qui seront plus à même de résister.... 

C'est une des raisons pour lesquelles nous effectuons un important travail de sensibilisation sur le sujet.

 

Focus « le cas des lapins d’Australie »

 

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Un lapin européen en Tasmanie   © JJ Harrison

Comme le rapportait le magazine Usbek et Rica en 2018, le cas de l’Australie est un exemple marquant.

En 1859, 27 lapins y avaient été « libérés ». 6 ans plus tard, ils avaient donné naissance à une population estimée à… 22 millions d’individus.

Face à de tels déséquilibres engendrés sur la faune et la flore locale, l'homme, qui en est responsable à la base, est souvent impuissant et les seules solutions possibles posent problème. L'Australie a notamment introduit la myxomatose. Le virus a d’abord éradiqué 90% de la population mais les 10% restants ont résisté et ont continué à se reproduire.

Une fois une espèce envahissante implantée, il est rarement possible de revenir en arrière et les couts générés par les actions de régulation peuvent être très importants.