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Les ABC : partager le plaisir de la découverte

En 2017, quatre communes du Parc national ont engagé une démarche d’atlas de la biodiversité communale (ABC) dans l’objectif de s’approprier, préserver et valoriser leur biodiversité. L’établissement public du Parc les accompagne. Depuis le début de l’été, à côté de journées de prospection effectuées par des naturalistes confirmés, des inventaires participatifs à destination des habitants et des curieux de nature sont régulièrement organisés à  Arphy, Florac-Trois-Rivières, Génolhac et St-Privat-de-Vallongue.
 
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ABC © Catherine Dubois PNC

Le lancement des ABC dans le Parc national

Les atlas de la biodiversité communale (ABC) sont des démarches collectives portées par les communes. À travers cet outil, l’établissement public du Parc national souhaite sensibiliser et mobiliser les élus, les citoyens et les acteurs socio-économiques dans l’acquisition et le partage de connaissances, l’identification des enjeux liés à la biodiversité. 
L’amélioration des connaissances est un objectif majeur de cette démarche, mais n’est pas suffisante en soi ; le but est d’éveiller les consciences et de faire évoluer les pratiques. Pour cela il est nécessaire de s’adresser à tous les publics, de mobiliser à travers l’émerveillement, de transmettre le goût de la découverte pour qu’ils portent un regard plus respectueux sur leur environnement.
Au-delà de la sensibilisation et de la formation, l'objectif est que chacun puissent devenir acteur de la préservation au quotidient  pour faire du Parc national des Cévennes un territoire plus accueillant pour la biodiversité.
Arphy,Génolhac, Florac-Trois-Rivières et St-Privat-de-Vallongue ont choisi en 2017 de s’engager dans un ABC. Les communes de Pont-de- Montvert-Sud-Mont-Lozère, Valleraugue, Sumène, St-Roman-de-Codières et St-Martial les rejoindront en 2018.

Dans chacune des "communes ABC", un comité de suivi, composés d’élus, d’habitants, d’associations locales, d’associations naturalistes, d’enseignants et d’acteurs socio-économiques a été créé. Il co-anime la démarche avec un agent du Parc. Les communes bénéficient d’un appui technique de l’établissement public du Parc national, et d’un soutien financier de l’Agence française pour la biodiversité, qui a le projet de faire émerger 500 ABC au plan national sur la période 2017-2020.
En 2017, année de lancement des ABC dans le Parc national, l’établissement public s’est particulièrement investi et les garde-moniteurs, notamment, ont été très mobilisés. Chacune des  quatre « communes ABC » a bénéficié de la synthèse des données naturalistes existantes la concernant. Puis, à partir du printemps, les agents du Parc ont largement contribué à une phase d’acquisition de connaissances complémentaires, soit en effectuant des journées de prospection entre « experts », soit en animant de nombreuses sorties d’inventaires participatifs ouverts aux habitants et aux visiteurs des communes.

 

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Inventaire Papillons à Monteils le 31 juillet 2017 © Jean-Michel Tisné PNC

 

Ces inventaires ont concerné la flore et la faune, et plus spécifiquement des espèces qu’il était intéressant de mieux connaître  à l’échelle d’une commune au titre de la biodiversité locale.
Ces sorties en pleine nature accompagnées par des naturalistes chevronnés ont remporté un franc succès. Pour les habitants et les visiteurs du territoire, elles ont été l’occasion de mieux connaître l’une des activités des agents de terrain du Parc et de la pratiquer eux-mêmes l’espace d’une journée. Pour les agents, elles ont permis de sensibiliser le grand public à la richesse et la diversité des plantes et des animaux de leur environnement proche, à la fragilité ou la rareté aussi de certaines espèces et à la manière de les préserver.

Par ailleurs, des partenariats avec les acteurs socio-économiques ont commencé à prendre forme : visites d’exploitations, de pépinières, de jardins privés…




 

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Stéphan Garnier, délégué territorial du massif Mont Lozère, co-animateur du comité de suivi de Génolhac

"C'est un plaisir de co-animer le comité de suivi avec l'élue référente de la commune, Francine Bachelard. L''équipe adapte la méthodologie nationale aux spécificités géographiques et humaines locales.


 

Les débats sont riches, les propositions d'actions multiples et les orientations partagées.En 2017, le travail du comité a abouti à la définition d'un programme d'animations et d'inventaires naturalistes, à l'éléboration d'un projet pédagogique et à la création d'outils de sensibilisation. En 2018, après avoir identifié les enjeux de préservation de la biodiversité, le comité précisera les actions à mener pour y faire face. L'engagement et la mobilisation de ses membres garantiront sans aucun doute la mise en oeuvre effective de ces actions".

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Une délégation cévenole au 2e séminaire national sur les ABC

 

En septembre, une délégation du Parc national a participé à Nancy au 2e séminaire national consacré aux atlas de la biodiversité communale organisé par le Parc naturel régional de Lorraine avec le soutien de l’Agence française pour la biodiversité.


Cette délégation a témoigné de sa jeune mais très dynamique expérience au travers de la présentation de l’engagement de l’établissement public du Parc aux côtés des communes et d’une intervention de Gérard Rouquette, maire de St-Privat-de-Vallongue :

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«Nous avons coupé, peut-être involontairement, le lien qui nous unissait à notre environnement naturel. Nous avons oublié qu’en tant qu’êtres humains nous faisons partie intégrante de la biodiversité et que si nous ne voulons pas nous détruire, en la détruisant, il faut impérativement nous la réapproprier et la comprendre. Pour préserver la biodiversité de notre commune, il faut d’abord l’inventorier, l’analyser et suivre son évolution. Deux générations se sont égarées. Les meilleurs vecteurs pour réparer ce fossé intergénérationnel sont les enfants. C’est pourquoi nous avons intégré dans notre démarche les enseignants et les enfants de l’école qui vont prendre le relais. Ils vont participer activement à l’élaboration de l’atlas de la biodiversité communale sur le terrain et à partir des centaines de photos que nous avons prises et aussi à partir de celles qu’ils vont prendre. Ce sont eux qui seront à même d’expliquer ce qu’ils ont découvert, ce qu’il faut protéger, comment le protéger et pourquoi.»

 

D’ici à la fin de l’année, un bilan de la connaissance qui aura été acquise en quelques mois sera établi pour chaque commune par l’établissement public. Une restitution de ces résultats sera faite aux comités de suivi qui élaboreront, à partir de ces données, de nouveaux plans d’actions pour la seconde année des ABC. Ces bilans et projets seront partagés avec les habitants.
 

La biodiversité, c'est quoi ?

La biodiversité, c'est le tissu vivant de notre planète. Cela recouvre l’ensemble des milieux naturels et des formes de vie (plantes, animaux, champignons, bactéries, etc.) mais aussi toutes les interactions qui existent entre les organismes vivants ou avec leurs milieux de vie. Nous autres, humains, appartenons à une espèce – Homo sapiens – qui constitue l’un des fils de ce tissu.

 

Une première « récolte » prometteuse

Même si l’heure n’est pas encore au bilan, la démarche a déjà permis d’accroître la connaissance de la biodiversité des quatre communes engagées dans les ABC.

On peut ainsi citer la découverte d’une araignée rattachée au groupe des mygales, la némisie de Simon, sur les crêtes de St-Privat-de-Vallongue et d’une plante rarissime en Europe, la mannia de Californie, sur Arphy ; la redécouverte du criquet des roseaux à Génolhac ou encore la rencontre d’un insecte semblable à une branche, le phasme espagnol, sur les corniches du causse Méjean à Florac-Trois-Rivières.

Les agents du Parc témoignent…

Génolhac

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Emeric Sulmont
« A proximité des rochers sommitaux du Serre de la Fageole (1416 m), point culminant de la commune de Génolhac, plusieurs espèces remarquables ont été découvertes dont une forme très primitive de fougère, le lycopode sélagine, qui est une relique des périodes glaciaires. La scille à deux feuilles a également été trouvée sur ce secteur, espèce étrangement rare sur le mont Lozère alors qu’elle est relativement commune sur l’Aigoual. »

 

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Lycopode sélagine © Emeric Sulmont PNC

St-Privat-de-Vallongue

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Valérie Quillard

Après seulement deux sorties d’inventaire participatif, le nombre d'espèces de papillons de jour répertoriées sur la commune est passé de 1 à 53 (3 sont en cours de détermination par des experts nationaux et pourraient bien n’avoir encore jamais été observées dans le Parc national) ! Six espèces sont intéressantes car elles se rencontrent généralement sur des secteurs méditerranéens : le cardinal est l’une d’elles.”
 

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Cardinal © Valérie Quillard PNC

Arphy

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Bernard Ricau
"L’avifaune de la commune  est riche : 15 espèces de rapaces et 59 autres espèces d’oiseaux étaient déjà inventoriées.  Mais deux espèces de passereaux avaient été « oubliées » et ont pu être observées lors d’une prospection participative au printemps : le pipit des arbres et le rossignol philomèle."

 


 

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Rossignol philomèle © Jean-François Noblet

Florac-Trois-Rivières

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Bruno Descaves
« L’inventaire initial faisait état de 28 espèces d’orthoptères. Une seule journée de prospection sur la partie de la commune située sur le causse Méjean a permis d’en identifier 15 nouvelles ! Parmi elles, le méconème fragile, petite sauterelle nocturne très discrète, n’avait encore jamais été identifié dans le Parc »

 

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Méconème fragile © Bruno Descaves PNC

 

Outre l’amélioration de la connaissance de la faune et de la flore, dans le cadre des inventaires collectifs notamment, la démarche ABC a pour objectif de sensibiliser et de mobiliser les habitants autour de la biodiversité, de l’enjeu de sa préservation et du rôle que chacun peut jouer.

 

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Laurent Bélier, technicien Accueil et sensibilisation du Parc national, animateur de l’ABC de St-Privat-de-Vallongue

"Au même titre que la culture, la nature peut contribuer à renforcer le lien social. Les démarches participatives comme les actions de sensibilisation plus "classiques" facilitent les échanges entre population, visiteurs, élus, associations partenaires et agents du Parc national.

 

En impliquant plus directement les habitants, en les rendant acteurs des découvertes naturalistes locales, ces rencontres suscitent la curiosité et favorisent le partage de la connaissance. Et les plus jeunes ne sont pas en reste puisqu'à l'école, entre autres sujets, les élèves identifieront notamment oiseaux, escargots et vers de terre pour contribuer avec fierté et à leur manière à la réalisation collective de cet atlas. »

Les écoles s’emparent des ABC

Les écoles des quatre « communes ABC » sont accompagnées depuis le printemps dernier par l’équipe éducative de l’établissement public pour élaborer des projets pédagogiques qui s’inscrivent dans les ABC et se mettent en oeuvre à compter de la rentrée 2017. Les écoles et le collège de Florac-Trois-Rivières ont prévu de travailler sur la petite faune du village, l’école primaire d’Aulas, qui accueille les enfants de la commune d’Arphy, sur les insectes et les oiseaux. Le projet pédagogique de l’école de St-Privat-de-Vallongue a plusieurs composantes et s’échelonnera sur deux ans. Un sentier de la biodiversité sera créé sur une partie d’un chemin existant, qui part du village, traverse une zone forestière puis débouche sur une zone ouverte. Les élèves pourront donc observer la biodiversité spécifique à chacun de ces milieux. Un jardin potager et d’agrément - avec prioritairement des plantes mellifères - ainsi qu’une mare seront aménagés à proximité de l’école. Nichoirs, abris, hôtels à insectes et mangeoires seront installés pour les petits animaux susceptibles de s’y abriter. Les élèves vont aussi s’engager dans plusieurs protocoles du programme de sciences participatives Vigie Nature Ecoles : les protocoles « escargots », «placettes à vers de terre » et « birdlab ». Aux beaux jours, ils apprendront à écouter et reconnaître les oiseaux, à collecter sans les abîmer et identifier les insectes.

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ABC - Sortie pédagogique © Manon Lanièce PNC

Le projet de Génolhac met en lien tous les élèves de la commune, de 2 à 14 ans. L’école maternelle, l’école élémentaire et le collège vont chacun construire une mini réserve naturelle. Des aménagements – nichoirs, gîtes, mangeoires… - et des plantations - carrés potagers et plantes mellifères - dans ces coins nature auront vocation à accueillir et abriter la petite faune : chauves-souris, oiseaux, papillons et insectes… Les élèves apprendront à observer et identifier les espèces présentes, et pour les plus âgés d’entre eux, à renseigner des sites de sciences collaboratives. Plus précisément, les maternelles photographieront les espèces vues, les primaires feront le travail d’identification de ces espèces, et les collégiens auront la charge  des aspects statistiques, transmission des données et pointage GPS. En complément, des travaux sur l’évolution de la faune et de la flore locales seront menés au centre de documentation et d’archives du Parc national ; des sorties de terrain seront organisées - par exemple, à la découverte de châtaigniers et autres fruits sauvages puis à l’atelier de transformation de Verfeuille ; les élèves étudieront aussi les arbres au fil des saisons, leurs «habitants», leurs fleurs et leurs fruits…

Source : Magazine De serres en valats n° 44 - Novembre 2017